C’est une pauvreté invisible, pudique et fière. La misère qui se cache au fond de nos campagnes, elle n’épargne pas ceux qui, depuis des générations, exploitent la terre ou élèvent leurs bétails. Au-dela de tout débat politique, syndicale ou partisan, l’agriculteur est celui qui nourrit l’humanité.
Comment celui qui travaille dur pour cela, ne peut-il vivre dignement de son travail ? L’agriculture française reste la plus performante d’Europe, mais la France compte 2 fois moins de paysans depuis 20 ans, les jeunes générations n’assurent plus la relève des agriculteurs partant à la retraite, précarité, faible revenus, charges et horaires de travail élevés, endettement important à l’installation, tels sont les causes de se désengagement. En 2000, d’après des chiffres officiels, il y avait 1,3 millions de d’agriculteurs en France, en 2010, ils sont 966 000. Le nombre d’exploitations est lui passé de 663 800 en 2000 à 490 000 pour 2010. Ce phénomène entraine également l’amplification des grosses structures de production, une migration de la population, la disparition des commerces et du tissu rurale.
Travaillant autour du monde agricole depuis quelques années, je fus choqué lors de la parution en 2010, dans un magazine de la presse professionnelle agricole, d’un dossier spécial qui expliquait aux paysans, sur plusieurs pages comment toucher le RSA. Ils sont aujourd’hui plusieurs milliers en France a percevoir cette aide de l’état, tout en continuant a travailler au quotidien sur leurs fermes.
Le produit du terroir a fait place depuis longtemps à celui de la machine industrielle et du rendement à faible coût. La misère aussi en a un, il est humain en premier lieu.
J’ai commencé ce travail photographique en avril 2011 après avoir pris plusieurs contacts avec certains agriculteurs fin 2010, et les convaincre au fil des rendez-vous et avant de sortir mes boitiers, de la nécessité de témoigner de leur réalité économique, en leurs garantissant que je ne chercherai pas à faire des gros plans de leurs poubelles, mais à témoigner simplement de leur vie. 7 mois après le premier contact je commençais les prises de vue. J’ai photographié également pour ce reportage, les mains de chaque paysan comme un fil commun.
Une association, Solidarité Paysans Picardie m’a aidé dans cette démarche, plutôt proche syndicalement de la confédération paysanne que de la FNSEA, elle vient en aide aux exploitants agricoles (de toute affiliation) pour des problèmes financiers ou juridiques, ou pour des conseils de méthodes de travail sur leur exploitation. Cette association présente dans plusieurs régions de France, m’a permis de continuer ce travail, depuis janvier 2012 en Bretagne, avec d’autres paysans et dernièrement en 2015 en région Centre Auvergne.